Les sites français ont droit à un sursis d’un an quant au recueil du consentement de leurs visiteurs à se faire traquer. Cette période transitoire offerte par la Cnil aux éditeurs fait enrager les défenseurs de la vie privée et pourrait valoir au régulateur un remontage de bretelles au niveau européen.
Marie-Laure Denis et le collège renouvelé de la Cnil n’étaient pas là pour rigoler. C’était en substance le message envoyé en avril dernier, à l’occasion de la présentation du bilan annuel de l’autorité. Google venait d’écoper d’une amende de 50 millions d’euros pour ne pas avoir respecté les principes du RGPD et le gendarme des données personnelles assurait vouloir « crédibiliser le nouveau cadre juridique ». De la pédagogie, toujours, mais surtout des contrôles et des sanctions renforcées.
Et pourtant, le plan d’action de la Cnil en ce qui concerne le ciblage publicitaire ne va pas dans ce sens. Depuis l’entrée en vigueur du RGPD, le régulateur s’est toujours refusé à offrir une « période de grâce »… jusqu’à aujourd’hui. Le programme de la Cnil consiste à réviser sa recommandation relative aux cookies, en date de 2013, afin de l’adapter au nouveau cadre juridique. Sur le papier, l’harmonisation de ces lignes directrices avec le droit européen, in fine un rappel des « règles de droit applicables », est sensée.
Echec au droit (européen)
Mais la décision d’offrir une période transitoire d’un an fait hausser plus d’un sourcil. A commencer par ceux de la Quadrature du Net. Sur son site, la Cnil explique que, « durant cette période de transition, la poursuite de la navigation comme expression du consentement sera donc considérée par la CNIL comme acceptable ». Soit l’application d'une règle antérieure à l’entrée en vigueur du RGPD.
Ce qui va en outre à l’encontre des lignes directrices du Comité Européen de la Protection des Données, dont la Cnil est co-rédactrice. « Il n’existe aucune possibilité laissée à la CNIL pour repousser jusqu’à juillet 2020 l’application du RGPD » dénonce la Quadrature dans un communiqué. « La décision que la CNIL s’apprête à prendre violerait de plein front le droit européen et justifierait un recours en manquement contre la France par la Commission européenne ».
Open bar sur les cookies jusqu’en juillet 2020
Certes, la Cnil affirme qu’elle « continuera à instruire les plaintes et le cas échéant à contrôler, entre autres, qu’aucun dépôt de cookies n’a lieu avant le recueil du consentement ». Mais cette « période de grâce » courant jusqu’en juillet 2020 implique que le seul fait de faire défiler la page après un bandeau d’information sur le dépôt de cookies vaut consentement de l’internaute (attention donc à vos molettes de souris, un consentement involontaire est si vite arrivé).
L’association assure que cette décision est le résultat de négociations entre la Cnil et le GESTE, syndicat d’éditeurs de contenus en ligne). « Aujourd’hui, la CNIL semble vouloir appliquer un droit différent entre Google et les médias français qui, eux, pourraient se contenter d’un consentement « implicite », violant tranquillement nos libertés fondamentales dans la poursuite de profits publicitaires intolérables » écrit la Quadrature, qui n’exclut pas de former un recours devant le Conseil d’Etat.