Le plus grand campus de start-up au monde fête ses quatre ans ! L’occasion de dresser un bilan de ce lieu exceptionnel dont l’ambition était de structurer et promouvoir l’écosystème français des jeunes pousses. Un pari réussi sur de nombreux points, notamment sur son rayonnement international. Parmi les défis restant à relever : développer la diversité des startupers, s’ouvrir aux incubateurs internationaux et renforcer son ouverture vers le grand public. Visite à Station F, un lieu toujours unique au monde. Article paru dans L'Informaticien n°198 (juillet-août 2021).
« Avec Station F, nous souhaitons donner un cadre à l’écosystème start-up, aujourd’hui fragmenté en France et en Europe.» C’est par ces mots que Xavier Niel inaugurait en juin 2017 son campus de sociétés innovantes, aux côtés d’Emmanuel Macron et d’Anne Hidalgo. À la fois incubateur, accélérateur, hôtel d’entreprises, mais aussi espace de co-working, centre de conférences, site de restauration et même lieu d’hébergement avec six cents chambres en co-living proposées en option, Station F reste un concept sans équivalent sur le marché international des start-up.
Les chiffres sont éloquents : 250 millions d’euros investis au départ par Xavier Niel pour un coût de fonctionnement de 7 à 8 millions d’euros par an, 1012 start-up accueillies en 2021 – chiffre stable chaque année –, près de 10 000 candidatures reçues par an, dont 9% sont retenues, une trentaine de programmes d’accompagnement, 34000 m2 de locaux, une soixantaine de salles de réunion, plus de 3000 postes de travail, un auditorium de 370 places… Avec l’École 42, Station F est sans conteste la plus grande réalisation de Xavier Niel et peut-être celle auquel son nom restera associé.
Mais après quatre ans d’activité, qu’est-ce que Station F a réellement apporté à l’écosystème start-up français? Son premier objectif était de «défragmenter» cet écosystème, jugé trop dispersé et manquant de synergie. Le campus devait donc réunir en un même lieu un maximum d’acteurs, et pas uniquement des jeunes pousses. Sur ce point, Station F a réussi son pari. Outre un millier d’entreprises innovantes, elle accueille aussi près de 170 investisseurs d’horizons très divers, dont bien entendu Kima Ventures, le fonds d’investissement de Xavier Niel. Progressivement, la présence de fonds français a été complétée par des fonds étrangers. Ils représentent même aujourd’hui la majorité des investisseurs de Station F. Parmi eux figure Korelya Capital, une société de capital-risque parisienne, fondée et présidée par Fleur Pellerin, avec le soutien de Naver, un géant sud-coréen de services en ligne. « L’intérêt est de rassembler dans un même lieu, start-up, entreprises, investisseurs et services publics pour faciliter les échanges. C’est un réseau social physique », résume l’ancienne ministre déléguée aux PME, à l’Innovation et à l’Économie numérique (lire encadré).
Le campus accueille en effet des représentants de 35 services publics et administrations, dont BPI France, la Cnil ou encore l’Urssaf. Et les services du campus sont structurés autour d’une trentaine de programmes d’accompagnement proposés par des entreprises telles que Microsoft (programme autour de l’IA), Facebook (Data Privacy), LVMH (LuxuryTech), Ubisoft (Gaming) ou encore AstraZeneca depuis janvier 2021 (logistique et déploiement de vaccins). Des grandes écoles comme HEC, Ponts et Chaussées ou l’Edhec disposent également de leur propre programme à Station F. Seuls deux programmes maison y sont directement proposés (Founders et Fighters).
Clairement, l’objectif de Xavier Niel de regrouper un maximum d’acteurs dans un même lieu est atteint. « C’est un pari réussi en ce qui concerne la concentration d’acteurs. Station F réuni une chaîne de valeurs relativement complète de la filière numérique », estime ainsi Carlos Cunha, directeur général de Cap Digital. Ce pôle de compétitivité et collectif d’innovation, créé il y a 16 ans, compte plus de 800 start-up parmi ses adhérents. « Plus qu’un lieu, c’est surtout une
communauté », estime pour sa part Anthoine Dusselier, co-fondateur de Tarmac Technologies, présent sur le campus depuis 2019 (lire encadré). « Un des gros avantages du campus est la proximité avec les autres acteurs de l’écosystème, dont les start-up elles-mêmes », souligne-t-il. Un avis partagé par Yassine Tahi, qui a cofondé Kinetix à Station F en 2020 (lire encadré). « La grande force de Station F est sa communauté. Le réseau social local, basé sur la plate-forme Slack, permet par exemple de poser des questions ouvertes sur des sujets très variés comme la technique, le juridique ou le business. Grâce à la communauté, vous obtenez très rapidement la réponse à votre question.»
Un rayonnement international pour les start-up et les investisseurs
Autre grande ambition de Station F : faire rayonner à l’international l’écosystème français des start-up. C’est dans cette optique que Station F a progressivement accueilli de nombreux investisseurs étrangers. Le campus a également multiplié les partenariats avec de grands groupes IT internationaux, comme Facebook, Amazon, Apple, Microsoft ou Google. Et tous les deux à trois mois, Station F organise des rencontres avec des VP étrangers comme Nathan Blecharczyk, cofondateur d’Airbnb ou encore Brad Bao fondateur de Lime.
Pour promouvoir Station F en dehors de l’Hexagone, des représentants du campus participent régulièrement à des événements internationaux. « La culture internationale est au cœur de notre activité et ce, depuis le début. Nous avions par exemple fait la première annonce du projet à Londres », rappelle Marwan Elfitesse, Head of Startup Programs & Services de Station F.
L’ouverture à l’international se concrétise aussi par l’accueil de start-up étrangères qui sont de plus en plus nombreuses sur le campus. Aujourd’hui, près d’un tiers des résidents de Station F sont américains, chinois, marocains ou coréens. « Dans notre espace de co-living, baptisé Flatmates, nous facilitons le logement de personnes de tous horizons via des prix abordables – à partir de 399 euros par mois – et des conditions d’accès facilités, notamment sans avoir besoin de garants », souligne Marwan Elfitesse. Résultat : 30% des occupants de Flatmates sont d’origine étrangère.
Sur cette dimension internationale, le campus de Xavier Niel est donc également à la hauteur de ses ambitions. Pour Fleur Pellerin : « Station F a permis de géolocaliser la France et Paris sur la carte mondiale de l’innovation ». Carlos Cunha, chez Cap Digital, partage cet avis. « Station F indique que la France est un pays qui compte dans le domaine de l’innovation numérique au niveau mondial.»
Du bruit, WiFi défaillant, manque de diversité…?
Mais Station F ne fait pas l’objet que de louanges. Sur les forums et les réseaux sociaux, certaines critiques reviennent régulièrement, à commencer par le niveau sonore du campus. Une sorte de bruit de fond serait ainsi généré par le grand nombre de personnes présentes et – surtout – par la structure du bâtiment. Le campus a en effet été construit dans l’ancienne halle Freyssinet, un bâtiment ferroviaire datant des années 20 qui a abrité jusqu’en 2006 les messageries de la gare d’Austerlitz. Les importants volumes de ce bâtiment créent mécaniquement un fond sonore de type «hall de gare». Pour les startuppers que nous avons rencontrés, ce brouhaha n’occasionne pas une véritable gêne. « Il n’y a pas plus de bruit que dans les autres espaces de co-working. En tout cas, rien qui empêche de travailler. Et si besoin, vous pouvez vous isoler dans une salle pour passer un coup de fil en silence », explique l’un d’entre eux.
Autre critique souvent évoquée : le manque de fiabilité du réseau WiFi, pourtant un outil incontournable pour ce type de lieu. « Le WiFi s’est nettement amélioré depuis quatre ans, mais il reste assez aléatoire. Nous utilisons donc régulièrement la connexion filaire », explique un résident. « Le réseau WiFi a été un vrai challenge à déployer dans ce lieu. Mais il est aujourd’hui opérationnel », assure pour sa part la direction de Station F. La diffusion du WiFi est complexe car le bâtiment possède très peu de cloisons. Cela ne facilite pas la progression des ondes WiFi qui ne peuvent rebondir sur des parois, explique la direction du campus.
Le manque de parité est également une critique régulièrement faite à Station F. On croise effectivement une majorité d’hommes sur le campus. La structure est pourtant dirigée par une femme : Roxanne Varza est même cofondatrice de Girls in Tech Paris, déclinaison française de l’association mondiale Girls In Tech, œuvrant pour accroître la place des femmes dans le secteur IT. Sous l’impulsion de Roxanne Varza, Station F a mis en place plusieurs initiatives pour favoriser la parité : « Tous nos événements comptent un tiers de speakers femmes. Et lorsque nous sélectionnons les start-up, un des critères est leur parité. Ainsi 40% des start-up de Station F sont fondées ou co-fondées par des femmes », poursuit un porte-parole. En 2019, Station F a également lancé «F For Femme», un événement annuel consacré à l’entrepreneuriat féminin. Mais manifestement, cela reste encore insuffisant pour parvenir à une réelle parité. Cette problématique n’est cependant pas imputable spécifiquement à Station F. Elle concerne l’ensemble de l’écosystème IT français où les femmes sont encore insuffisamment présentes. Moins de 30% des postes IT sont ainsi occupés aujourd’hui par des femmes (lire L’Informaticien n°186).
Station F a été inaugurée le 29 juin 2017 en la présence du Président Emmanuel Macron et d’Anne Hidalgo.
Vers davantage de mixité sociale ?
Le manque de mixité sociale au sein des startupers présents à Station F est un autre point négatif souvent évoqué. Mais là encore, rien de spécifique à Station F. L’écosystème français des startups est largement dominé par des jeunes entrepreneurs issus de milieux favorisés. Et le campus de Xavier Niel ne peut pallier le manque de mixité. Pourtant, Station F a mis en place plusieurs mesures visant à améliorer la situation. C’est ainsi la raison d’être du programme Fighters qui est «pensé pour les entrepreneurs issus de milieux défavorisés qui n’ont pas accès aux mêmes ressources que les autres ». Certains des «Fighters» viennent ainsi de Quartiers prioritaires de la ville (QPV) ou sont des réfugiés, souligne Station F. Avec ce programme, les startupers peuvent, par exemple, bénéficier d’un accompagnement gratuit pendant un an. Chaque année, le programme Fighter accueille une vingtaine de projets. « Apporter davantage de diversité dans l’écosystème des start-up est une ambition forte de Station F. Une des principales évolutions du campus, lors de ces quatre premières années, est ainsi son ouverture à un public de plus en plus large », poursuit Marwan Elfitesse. Le campus est de moins en moins fermé sur lui-même et multiplie les services accessibles à des visiteurs externes. Dès le début, le restaurant intégré à Station F a été ouvert au public. Baptisé La Felicità, il peut assurer jusqu’à 4500 couverts par jour. Ce restaurant constitue une « ouverture sur le quartier » – le 13e à Paris – et participe à faire connaître le campus au-delà de l’univers des startupers, explique Station F. Dans le même esprit, son auditorium accueille des événements d’entreprises externes, qui restent toutefois en relation avec la thématique de l’innovation.
Dernier exemple en date de cette politique d’ouverture : le 26 juin 2021, Station F organisait son premier Fighters Day. Il s’agissait d’une journée ouverte au public – gratuite –, ponctuée par des conférences, ateliers et autres animations. « L’objectif était de promouvoir la diversité dans l’entreprenariat, en donnant envie à ceux qui hésitent encore à se lancer dans l’aventure ». Plus de 700 personnes ont participé à cette première édition du Fighters Day. « Nous allons continuer à ouvrir des ressources de Station F vers l’extérieur et organiser de plus en plus d’événements à destination du grand public », confie Marwan Elfitesse.
Près de 350 millions d’euros levés par an
Faciliter la mise en relation entre investisseurs et jeunes entrepreneurs est une des autres grandes ambitions de Station F. Beaucoup de start-up du campus sont même surtout là pour ça. Au global, environ 350 millions d’euros sont levés chaque année par les start-up présentes sur le campus. « Il y a une sélection à l’entrée, donc y être présent est un gage de crédibilité. Cela facilite le contact avec les investisseurs potentiels », souligne Anthoine Dusselier de Tarmac Technologies. (lire l’encadré : Station F mode d’emploi) Un avis partagé par Yassine Tahi chez Kinetix. « Nous avons été contactés par plus d’une centaine d’investisseurs. L’événement Futur 40 a accéléré les choses. Depuis deux ans, il met en avant chaque année une sélection de start-up très prometteuses. Nous avons été sélectionnées pour l’édition 2021, ce qui nous a ouvert de nombreuses portes.»
Côté investisseur, la présence à Station F procure également des avantages indéniables. « Les programmes offrent une sélection et un accompagnement des start-up de très haut niveau », souligne Juliette Mopin, VC Associate d’ISAI, fonds d’investissement des entrepreneurs de la tech. « Pour nous, être présents à Station F est incontournable. Nous sommes sur un marché très concurrentiel et l’enjeu des investisseurs et de sourcer les start-up le plus tôt possible, avant même qu’elles ne soient en recherche d’investissement.» ISAI exploite ainsi le listing des start-up de Station F pour solliciter des jeunes pousses de manière proactive.
« La qualité des dossiers s’est améliorée d’année en année. Aujourd’hui, les jeunes pousses présentent à Station F sont parmi les meilleures de l’écosystème français des start-up », estime pour sa part Éric Burdier, président d’Axeleo Capital, un fonds français spécialisé dans le B2B Tech. « En tant qu’investisseurs français nous avons également, grâce à Station F, de la visibilité à l’international. D’ailleurs, des investisseurs internationaux nous demandent régulièrement si l’on est présent à Station F, car c’est devenu une référence pour eux.»
Un petit bémol selon lui : la confidentialité. Le campus est un «village» où tout se sait très rapidement. « Il faut rester vigilant sur ce point lorsque vous avez de projets, notamment d’acquisition ou d’investissement, dont vous voulez préserver la confidentialité. Toutes les infos circulent très vite à Station F.»
Un campus en mouvement permanent
Depuis son lancement en 2017, le bâtiment de Station F a connu plusieurs évolutions. En 2020, l’accueil a été agrandi et un beta-bar a été mis en place. Ouvert au public, ce beta-bar présente une sélection de produits développés par les start-up du campus. Le Fablab dédié au prototypage, qui proposait notamment des imprimantes 3D, a été fermé en 2020. Il est aujourd’hui en cours de transformation. « Nous allons y proposer prochainement un nouvel espace de travail », indique Station F, sans plus de détails. Mais l’une des principales évolutions, avec l’internationalisation du campus, reste le nombre de programmes d’accompagnement proposé. Il est ainsi passé d’une vingtaine au lancement à plus d’une trentaine aujourd’hui. Dernier en date, celui de l’École 42. Lancé en juin dernier, ce programme d’accélération permet aux étudiants de l’École 42 d’intégrer Station F pour y développer leur start-up.
Même au sein des programmes existants, les thématiques ont changé. Le programme Ubisoft a par exemple d’abord traité de l’usage de la Blockchain dans l’industrie du loisir numérique. Il évolue aujourd’hui vers le NFT (non-fungible token), un type spécial de jeton cryptographique qui permet de rendre une chose unique. Le NFT sert par exemple dans l’univers du gaming à proposer des «items» uniques à collectionner. « Nos programmes continuent d’évoluer pour suivre les évolutions du marché. Station F est globalement en constante évolution », souligne Marwan Elfitesse. La direction de Station F reste très discrète sur ses projets à venir. Le campus va continuer d’accueillir de nouveaux programmes et investisseurs, le Fablab va donc faire peau neuve et une salle de sport sera ouverte prochainement dans le complexe de co-living. Mais aucun projet réellement structurant n’est pour l’instant annoncé. Pour les observateurs, il y aurait pourtant quelques évolutions potentiellement pertinentes. Éric Burdier évoque par exemple l’ouverture vers des incubateurs internationaux car la plupart présents à Station F sont aujourd’hui français. « Comme cela a été fait pour les investisseurs, Station F gagnerait également à ouvrir davantage son incubation à l’international », confie-t-il. Autre évolution espérée : ajouter un programme dédié aux grosses start-up. Aujourd’hui, Station F n’est qu’un lieu de passage pour de jeunes pousses en période d’amorçage. Dès qu’elles prennent de l’ampleur, notamment en matière d’effectifs, elles quittent le lieu. Il y a une limite dans la taille des espaces. Station F n’est pas dimensionnée pour des start-up de 100 ou même 50 personnes. L’ouverture de nouveaux locaux ou la mise en place de partenariats avec d’autres lieux pouvant accueillir des grosses start-up aurait du sens, estime Éric Burdier.
Pour Carlos Cunha, chez Cap Digital, le campus possède quelques limites de par son organisation. « Station F reste tributaire des partenaires locataires qui offrent les services sur le campus », souligne le responsable. Autre limite : Station F mise sur une concentration d’acteur dans un seul lieu, mais aucune représentation en région ou même ailleurs en Île-deFrance n’est à l’ordre du jour. Cap Digital rappelle notamment que sur les quelque 20 000 start-up que compte la France, au moins 8 000 sont localisées en dehors de Paris et peuvent avoir des besoins locaux en matière d’incubation comme d’accélération. « Il y a d’autres incubateurs et accélérateurs que Station F, comme Paris & Co et Wilco en Île-de-France ou EuraTechnologies en région, qui font aussi un excellent travail. Tout ne se passe pas à Station F, fort heureusement », conclut Carlos Cunha.
Fleur Pellerin, Korelya Capital
« Il manquait un lieu iconique qui puisse servir de vitrine à nos start-up »
Selon-vous, quel impact a eu Station F sur l’écosystème start-up français ?
Il a permis de géolocaliser la France et Paris sur la carte mondiale de l’innovation. Preuve de l’attraction qu’a créée Station F dès ses débuts : de nombreuses entreprises ont décidé d’y ouvrir leur propre incubateur ou programme. Ce fut le cas de Naver (plate-forme en ligne sud-coréenne qui soutient Korelya Capital, NDLR) qui l’a utilisé pour accompagner de jeunes start-up françaises ou accueillir des équipes coréennes en leur offrant mentorat, coaching ou transfert de compétences.
À quelles problématiques, le campus Station F a-t-il apporté des réponses ?
Quand j’étais ministre en charge des PME, de l’Innovation et de l’Économie numérique, j’avais fait deux constats. Premièrement : l’écosystème Tech en France était dynamique mais dispersé. Nous avons donc créé la bannière «French Tech» pour rassembler les entreprises innovantes. Deuxièmement : il manquait un lieu iconique qui puisse servir de «vitrine» à nos start-up. La halle Freyssinet, qui appartenait à la SNCF, s’est imposée comme une évidence dès 2013 et, avec le président Hollande, nous avons entrepris les démarches qui ont conduit à sa réaffectation et à sa rénovation pour pouvoir la transformer en incubateur géant grâce à l’appui décisif de Xavier Niel et de ses équipes.
Quel est selon vous le principal atout de Station F ?
Il rassemble dans un même lieu start-up, entreprises, investisseurs et services publics pour faciliter les échanges. C’est un réseau social physique. Le tout dans un environnement architectural formidable, que l’on doit au talent de Jean-Michel Wilmotte. Ce lieu n’a que des forces et un challenge devant lui : comme tout établissement recevant du public, se projeter dans l’après Covid et montrer qu’il garde tout son sens malgré le développement du télétravail. C’est un beau challenge, quatre ans après son lancement.
Station F, mode d’emploi
Comment fonctionne le plus grand campus de start-up du monde ? Il y a tout d’abord une sélection drastique à l’entrée, avec moins de 10% de candidatures retenues. Cette sélection dépend des différents programmes d’accompagnement qui possèdent chacun leurs propres critères. Mais globalement les jeunes entrepreneurs doivent être à plein temps sur leur projet, avoir déjà construit leur business model, disposer d’un premier prototype de leur solution et avoir rassemblé une première équipe – être au moins en binôme. Ils postulent en ligne et leur dossier est évalué par un jury de professionnels du secteur. Pour le programme Founders, qui accueille près de 200 start-up, un des critères est la responsabilité sociale du projet. « Il doit être en phase avec les enjeux du moment et avoir un impact positif sur le monde», résume-t-on à Station F. En 2020, plusieurs start-up sélectionnées présentaient ainsi des projets dans le domaine de la santé, en cohérence avec les problématiques liées à la crise sanitaire.
Une fois intégrée à l’un des 30 programmes, la start-up va disposer de bureaux dans la « Create zone », un des trois principaux espaces du campus. La zone «Chill» héberge quant à elle principalement le restaurant La Felicità. Et la zone «Share Area» propose des espaces événementiels, le Fablab (en cours de modification) et des salles de réunion.
Un lieu de passage
Les start-up vont rester sur le campus entre six mois et deux ans. Certains programmes, comme l’incubateur HEC, favorise même le turn-over en augmentant ses tarifs tous les trois mois. Côté prix justement, le coût d’un bureau est facturé environ 200 euros par mois par Station F. Mais chaque partenaire choisi ou non de répercuter ce coût auprès des startups. Des programmes comme ceux de TF1 ou LVMH sont ainsi gratuits. En 2020, avec la facturation a été en partie suspendu par Station F qui a totalement fermé ses portes durant le premier confinement.
Outre les services d’accompagnement des programmes, les start-up disposent aussi de ressources techniques proposées par des «mentors » comme Google, OVH, Apple ou AWS. Concrètement, il s’agit de promotions sur leurs technologies (Cloud, logiciels, matériel…). Les jeunes pousses disposent également de «perks», d’autres promotions dans divers domaines, allant de billets d’avion à des places de cinéma, en passant par des abonnements à des salles de sport. Plus de 150 perks ont ainsi été négociés par Station F. Enfin, des ressources en ligne sont de plus en plus disponibles. Avec la crise sanitaire, les webinaires, master class en ligne et autres échange par visio se sont multipliés. Et Station F entend poursuivre sur cette lancée. « Nous allons continuer de faire évoluer notre catalogue de services en ligne », confie ainsi un porte-parole.
Notons que Station F se rémunère sur l’abonnement des bureaux, mais facture également les événements organisés par des entreprises externes et prélève également une commission sur le chiffre d’affaires de La Felicità. Un modèle qui semble fonctionner puisque Station F est à l’équilibre financier depuis sa première année.
Kinetix
« Être présent à Station F, c’est faire partie d’une communauté »
Kinetix est un pur produit de Station F. Elle a été fondée sur le campus en 2020 par Yassine Tahi et Henri Mirande via le programme britannique Entrepreneur First, présent à Station F depuis deux ans. Ce dernier a investi initialement environ 100000 euros dans la jeune pousse dont le projet était de développer une plate-forme d’animation 3D assistée par l’IA. Plus précisément, elle permet de créer automatiquement un modèle en 3D à partir d’une vidéo en 2D. Un système dédié notamment au gaming, mais aussi plus largement à l’animation 3D pour le secteur audiovisuel ou l’industrie du cinéma. Pour se développer, Kinetix a d’ailleurs également suivi le programme d’accompagnement de TF1. « Être présent à Station F, c’est faire partie d’une communauté. Nous nous entraidons et cela est très appréciable », explique Yassine Tahi. « C’est également un cadre très agréable où travailler. Et nous sommes associés à une marque reconnue internationalement. Cela facilite le contact avec les investisseurs mais aussi le recrutement de nouveaux talents ». En 2020, la jeune pousse a levé 500000 euros auprès de business angels. Elle emploie aujourd’hui 13 personnes et est en phase de pré-commercialisation après plusieurs POC.
Tarmac Technologies
« Station F est un lieu qui a une âme »
C’est à San Francisco qu’est né le concept de Tarmac Technologies. Anthoine Dusselier y rencontre par hasard Delphine Deleger, qui travaille depuis plus de 20 ans dans le secteur du transport aérien. Elle lui explique que les opérations au sol sont loin d’avoir réalisé leur transformation digitale. Pour y remédier, ils créent leur start-up en 2019 avec une troisième associée (Maud Payan, Ingénieur Centrale Nantes et McGill Aéro). Leur idée : développer une plate-forme digitale facilitant les échanges entre les différents acteurs gérant les opérations au sol. Elle permettrait par exemple aux entreprises de maintenance d’indiquer où elles en sont aux autorités aéroportuaires. Outre le fait d’optimiser les opérations en temps réel, la plate-forme offrirait également un historique pour identifier des axes d’améliorations potentielles. « Nous sommes arrivés en 2019 à Station F via l’incubateur HEC qui nous a accompagnés dans nos développements commercial et marketing ainsi que pour la recherche d’investisseurs », explique Anthoine Dusselier. Ce que la jeune pousse apprécie particulièrement à Station F : « Notre présence sur le campus est un gage de crédibilité. La proximité avec les autres acteurs est également un atout. Station F est un formidable réseau. Enfin, le lieu est exceptionnel. Il donne envie de venir y travailler et d’y recevoir des interlocuteurs. Le site est très motivant et inspirant. » Aujourd’hui, Tarmac Technologie travaille notamment avec Air France KLM. Sa solution est déployée dans une quinzaine d’aéroports dans le monde. La crise sanitaire a freiné les échanges avec les investisseurs, mais la jeune pousse compte lever des fonds d’ici à la fin de l’année.