On sait que la NSA a coopéré avec le renseignement britannique ou encore allemand. Cette fois-ci, c’est le renseignement militaire danois qui est dans la tourmente, accusé d’avoir travaillé avec l’agence américaine à espionner ses petits camarades européens.
C’est l’histoire d’une belle coopération entre deux États, le Danemark et les États-unis. L’un est membre de l’UE, l’autre connu pour son programme Prism, et tout deux ont travaillé main dans la main. Selon DR, la télévision publique danoise, ce partenariat a été particulièrement fructueux puisque le FE, le renseignement militaire danois, a aimablement donné accès à ses bijoux de famille à la NSA. Une information révélée à DR par neuf sources qui avaient eu accès à des informations classifiées, et confirmée par d’autres sources.
Et par bijoux de famille, DR entend un système d’interception de données transitant par les câbles sous-marins entrant et sortant du royaume scandinave. La position centrale du Danemark en Europe lui donne en effet un avantage certain sur ce terrain. Ces données passent par un datacentre du FE, où des analystes du renseignement danois, mais aussi américain, épluchent les informations à l’aide de cette petite merveille qu’est Xkeyscore, un programme bien connu puisqu’il faisait partie des révélations d’Edward Snowden.
Tout sonne mieux en Danois
C’est justement suite au scandale Snowden sur la surveillance de masse pratiquée par la NSA, que certains au FE s’émeuvent. L’un des responsables du renseignement militaire danois lance alors, dans le plus grand secret afin d’éviter que la NSA ne soit mise au courant de cet audit, une enquête interne menée par un groupe de quatre analystes, relative à la collaboration du FE et de la NSA entre 2012 et 2014. Enquête qui aboutit à un rapport, nom de code Operation Dunhammer. C’est sur les conclusions de ces investigations que la télévision danoise a mené sa propre enquête.
Car bien que fourni aux huiles du FE en 2015, le rapport n’aura guère d’impact. Jusqu’à ce que l’un des enquêteurs se fasse lanceur d’alerte. En 2018, cette personne entre en contact avec l’autorité supervisant le renseignement au Danemark, et lui communique certains éléments du rapport. Tant et si bien que le FE se voit demander des explications. En août 2020, l’information remonte jusqu’à la ministre de la Défense, Trine Bramsen, sous la forme d’un rapport en quatre volumes. Plusieurs responsables du FE à l’époque, en service ou non, sont limogés dans les mois qui suivent.
Merkel espionnée par la NSA, ça devient une habitude
Mais pourquoi donc le partenariat entre les renseignements danois et américains a-t-il provoqué tant d’émoi jusqu’au sein de gouvernement du Danemark ? Simplement du fait de l’apparition dans ladite enquête de divers noms, ceux d’hommes et de femmes politiques de pays voisins : l’Allemagne, la Suède, la France, la Norvège. Parmi les personnes espionnées, on retrouve ainsi la chancelière allemande, Angela Merkel, de même que Frank-Walter Steinmeier, alors ministre des Affaires étrangères allemand, et le leader de l’opposition de l’époque, Peer Steinbrück.
Ici, à en croire DR, le système mis en place par le FE permettait de récupérer, entre autres métadonnées, les conversations téléphoniques, les SMS, les échanges sur messagerie instantanée... bref, tout ce qui pouvait transiter par les tuyaux danois. La publication de l’enquête de la télévision danoise n’a pas manqué de faire réagir en Norvège et en Suède, avec indignation et surprise. Du côté allemand, de l’indignation oui, de la surprise moins.
Du côté français, Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, s’exprimait ce matin sur France Info. ”Ces faits potentiels sont graves", a-t-il déclaré, avant d’ajouter qu’il fait “vérifier” cette information, “voir si en effet il y a eu, à travers cette technique, indirectement, de l'écoute, de l'espionnage de responsables politiques”.