Quelles plates-formes web pour le recrutement des développeurs ?
À l’image des sites de rencontre, les plates-formes de recrutement spécialisées dans l’IT promettent une mise en relation « sélective » et « qualitative » entre les recruteurs et les candidats. Un matching particulièrement bénéfique pour le recrutement des développeurs, en évitant la sur-sollicitation des candidats et les errements des recruteurs. Tour d’horizon de ces outils complémentaires aux Monster et autres LinkedIn.
LesJeudis, pionnier du secteur, revendique 300 000 CV dont 45 % de développeurs.
Ils s’appellent « LesJeudis », « talent.io », « ChooseYourBoss », « SkillValue »… et se positionnent comme une alternative aux sites de recrutements généralistes tels que Monster ou LinkedIn. Ces plates-formes spécialisées dans le recrutement IT seraient une des réponses aux difficultés d’embauche qui subsistent dans le domaine du développement informatique.
Rappelons qu’il manque toujours près de 20 000 développeurs en France. Et au niveau européen, il y aurait 7 millions de postes à pourvoir, pour 6 millions de profils, soit une pénurie de 1 million de candidats. Autant dire que la situation est tendue, à la fois côté employeurs, qui peinent à recruter, mais aussi pour les développeurs qui sont « sur-sollicités ». D’où une multiplication de ces « JobBoards » IT qui proposent aux candidats, comme aux recruteurs, d’optimiser leurs recherches. Plus d’une quinzaine de ces sites spécialisés sont aujourd’hui accessibles gratuitement pour les candidats et moyennant finances pour les recruteurs. Quels sont leurs avantages par rapport aux plates-formes généralistes ? Comme pour les sites de rencontres, ils mettent en avant le « matching », entre les profils des candidats et des recruteurs, c’est-à-dire un haut niveau de correspondance entre les qualifications recherchées et les compétences effectives du candidat.
Plus sélectifs dans la mise en relation
« Nous sommes plus sélectifs dans la mise en relation, donc les employeurs accélèrent leurs processus de recrutement et trouvent plus facilement les bons profils, quant aux candidats : ils ne sont pas submergés par des offres, qui ne leur correspondent pas forcément », résume Julien Nique, directeur marketing de ChooseYourBoss, plate-forme éditée par le groupe Figaro.
Même son de cloches chez Talent.io. « Grâce à une présélection des candidats nous atteignons des niveaux d’efficacités très élevés dans le recrutement. Sur notre plate-forme, un candidat sur quatre trouve un job en moins d’un mois. Pour les recruteurs, nous avons un taux de réponses à une recherche de poste de 97 %, avec 60 % des réponses positives. Plus d’un message sur deux d’un recruteur amène donc à un entretien. À titre de comparaison, sur LinkedIn le taux de réponses pour les recruteurs est de 3 à 4 % », précise son co-fondateur, Jonathan Azoulay.
Le principal secret de ce matching efficace réside dans des algorithmes analysant la concordance entre les compétences, l’expérience, les souhaits des candidats et les offres des recruteurs. Ils vont étudier et « taguer » toutes les informations présentes dans les CV et les formulaires remplis par les candidats. Cela permet de constituer une base de données qui est ensuite comparée avec les offres ou les profils des entreprises, en analysant notamment les mots-clés des annonces et des fiches de sociétés. Cette pré-sélection « automatisée » des candidats peut également être complétée par des échanges téléphoniques. « Nous appelons les candidats pour évaluer leur niveau technique et leur motivation », poursuit Jonathan Azoulay. Certaines plates-formes proposent également une évaluation en ligne des compétences afin de démontrer le niveau technique réel de chaque candidat. C’est le cas de SkillValue. « Nous proposons une évaluation des compétences, en complément de nos services de recrutements, basée sur plus de cinq cents tests réalisés par des experts. Il s’agit notamment de quiz et de tests de codages », explique son CEO, Éric Gouin.
La plate-forme SkillValue propose 500 tests pour évaluer les compétences.
Compétitions en ligne
« Cela permet aux recruteurs de gagner du temps car ils n’ont pas à refaire ces tests durant leur processus de recrutement. Par ailleurs, ces tests sont basés sur la comparaison des résultats entre tous les candidats. Il s’agit réellement d’un benchmark comparatif, ce qui leur donne une grande valeur. Ils ont ainsi été passés plus de 300 000 fois à ce jour. Enfin, ces tests sont régulièrement mis à jour avec les dernières technologies de développement, par exemple les nouveaux frameworks JavaScript. » SkillValue propose également de se mesurer à la communauté des développeurs via des compétitions en ligne, organisées tous les mois.
Autre argument de ces sites spécialisés : le volume de leur « CVthèque ». LesJeudis, pionnier du secteur avec une présence sur le Web depuis 2001, revendique ainsi 300 000 CV : « Environ 45 % sont des développeurs avec des profils diversifiés, web, applications, devops, front-end, back- end, Java, Javascript, C ++…. Même si 65 % sont des développeurs web sur Java », précise Damien Michaud, Marketing Manager France de CareerBuilder, propriétaire du site depuis 2008. Côté recruteurs, LesJeudis a travaillé avec plus de 2 000 sociétés dont 500 régulières, notamment des ESN, mais aussi de grands groupes comme BNP Paribas, Dassault Systèmes, Saint-Gobain ou encore Capgemini. Outre leur volume, ces CVthèques sont également qualitatives et intégreraient des profils particulièrement difficiles à toucher sur les plates-formes traditionnelles. Il s’agit par exemple des développeurs « jeunes expérimentés », ayant entre 1 et 6 ans d’expérience. « Ce sont les plus demandés mais aussi les plus difficiles à contacter car ils évoluent dans des cercles très fermés. Ils sont par exemple présents sur des réseaux sociaux spécialisés comme GitHub ou Mastodon. Pour les attirer sur notre plate-forme nous permettons, depuis environ un an, de partager le profil GitHub directement sur LesJeudis », poursuit Damien Michaud.
Sur ChooseYourBoss, ce sont les candidats qui acceptent d’entrer en contact avec les recruteurs.
Le candidat garde le pouvoir
Pour attirer les développeurs, ces plates-formes promettent de ne pas les solliciter plus que nécessaire, voire de les laisser eux-mêmes choisir les recruteurs avec lesquels ils veulent échanger. « Sur ChooseYourBoss, c’est le candidat qui accepte d’entrer en contact avec les recruteurs de son choix. Cela garantit de ne pas être sur-sollicité », explique Julien Nique. « Par ailleurs, le profil du candidat reste anonyme jusqu’à ce qu’il accepte d’échanger avec le recruteur. »
De son côté, talent.io, met en avant le temps limité de la visibilité des profils de candidats sur sa plateforme. « Les profils sont visibles seulement un mois. Cela peut paraître anecdotique, mais ça change tout. Ce temps limité est une des raisons qui explique l’efficacité de notre plate-forme. Car les recrutements dans l’IT doivent aller vite. Les employeurs doivent avoir défini des processus de recrutement rapides et performants, ce qui signifie savoir précisément ce qu’ils recherchent. Même chose côté candidats, ils doivent savoir pourquoi ils cherchent tel ou tel poste, quel type d’entreprises ils ciblent, quels projets les intéressent », précise Jonathan Azoulay. Avec un temps limité les candidats ne sont ainsi pas sollicités par des recruteurs « peu sérieux ».
Un avis partagé par Éric Gouin de SkillValue. « Un recruteur ne doit pas être trop invasif et surtout être très réactif. Il faut tabler sur moins d’un mois pour recruter un candidat. C’est ce que permettent les plates-formes spécialisées telles que la nôtre. Sur les sites de recrutements traditionnels, cela peut prendre deux fois plus de temps. On estime ainsi, sur les plates-formes généralistes, qu’il faut mettre mille personnes dans la boucle pour qu’une annonce soit suffisamment visible, puis le recruteur va en sélectionner une centaine qui est sa cible réelle. Seulement dix candidats vont répondre aux annonces et trois ou quatre passeront des entretiens. C’est un processus relativement lourd. »
Promouvoir sa marque employeur
Ces sites mettent également en avant la possibilité d’y promouvoir la marque employeur, qui reste un élément déterminant pour attirer les développeurs. « Disposer d’une bonne marque employeur est crucial pour le recrutement des développeurs. Un de leurs réflexes est d’aller consulter la notation de l’entreprise sur le site Glassdoor où les employés évaluent leur environnement de travail », explique Jimmy Hoareau, CEO de DigitaWeb. Cette agence est spécialisée dans l’inbound marketing et recruting, dont le principe est de rendre une entreprise suffisamment attractive pour que les candidats viennent à elle, et non l’inverse. « Si vous avez une mauvaise note sur Glassdoor, il y a un fort risque pour que votre capacité de recrutement chute de façon drastique », poursuit-il. Comment travailler sa marque employeur pour séduire les développeurs ? Il faut mettre en avant les bonnes conditions de travail, comme des locaux attrayants, la possibilité d’avoir du temps pour des projets personnels, de faire du télétravail ou de pouvoir exercer dans une antenne régionale, en dehors de l’Île-de-France. Mais le plus important reste d’avoir « une belle histoire à raconter », autrement-dit un projet d’entreprise attractif dans lequel s’intègrent les missions confiées au développeur. « Le cœur d’un matching réussi, c’est l’intérêt et la valorisation des missions proposées. Le recruteur doit donner du sens au futur travail du développeur, de la valeur et des perspectives », estime Julien Nique. Du côté de la forme, le recruteur doit s’inspirer de la manière de communiquer des développeurs. « Il faut se rendre sur des plates-formes spécialisées comme GitHub ou Forum Hardware et apprendre à les connaître, en identifiant leurs éléments de langage, leurs attentes, leurs valeurs, etc. Cela va permettre de savoir comment communiquer auprès d’eux de manière efficace », souligne Jimmy Hoareau.
Pour faciliter cette promotion de l’entreprise, la plupart des JobBoards proposent des espaces dédiés, sortes de mini-sites, où le recruteur peut poster divers contenus. « Nos profils des recruteurs intègrent une présentation de l’entreprise, une évaluation des conditions de travail en partenariat avec ChooseMyCompany (qui décerne les prix Happy at work, NDLR) des actualités, les technologies qu’elle utilise, etc. », indique Damien Michaud de CareerBuilder. « Cette vitrine est un service essentiel pour les recruteurs », précise-t-il.
Talent.io assure que plus d’un message sur deux d’un recruteur débouche sur un entretien.
Ne pas s’éparpiller
Ces plates-formes spécialisées partagent toutes une approche qualitative, plus que quantitative, du recrutement. Pour autant, elles proposent des variantes dans leurs modes de fonctionnement. Faut-il alors être présent sur plusieurs plates-formes pour optimiser sa candidature ou son recrutement ? De l’avis général, exploiter un trop grand nombre de JobBoards serait contre-productif. Un consensus apparait sur une présence sur deux à trois plates-formes maximum. « Si un recruteur passe par une multitude de sites, les candidats vont recevoir la même offre plusieurs fois, ce qui va nuire à l’image employeur », indique Éric Gouin. De son côté, un candidat inscrit sur un grand nombre de platesformes risque d’être sur-sollicité, ce qui est l’objectif inverse des JobBoards spécialisés.
Comment choisir ses platesformes ? « Il faut les tester et trouver celle qui convient le mieux à ses besoins, mais aussi à son mode de recrutement. Par exemple, le processus de recrutement d’un grand groupe n’est pas le même que celui d’une start-up. Au-delà des méthodologies de matching, le ton et le discours proposés par chaque plate-forme peut être un critère, car il doit correspondre à la manière de communiquer de l’entreprise », résume Jimmy Hoareau, chez DigitaWeb. Et même si LinkedIn n’est pas au cœur de cette approche qualitative du recrutement, tous s’accordent à dire qu’il ne faut pas disparaître de ce réseau social professionnel. « Il faut être présent sur LinkedIn, juste pour la visibilité, avec un profil mis à jour », confirme Éric Gouin. SkillValue permet d’ailleurs que ses certifications d’évaluation techniques soient publiées sur LinkedIn. Même son de cloches chez CareerBuilder : « LinkedIn apporte de la visibilité, c’est incontestable. Cela n’empêche pas de miser parallèlement sur une ou plusieurs plates-formes spécialisées pour y mener la procédure de recrutement. Nous sommes complémentaires », conclut Damien Michaud. ❍